12 ans après, pourquoi la Digicel s'en fout de sa notoriété et sa part de marché en Haïti ?
12
ans après, pourquoi la Digicel s'en fout de sa notoriété et sa part de marché
en Haïti ?
par Duffort Bernard.
22-01-2018
Avant de répondre à cette question il est
important de préciser que cet article est loin d’être une profonde analyse du
Business Model de la Digicel, mais plutôt se donne pour objectif de mettre en évidence
la négligence et l’exploitation de cette compagnie envers les consommateurs
haïtiens ; de montrer que c’est voulu en se basant sur une brève analyse
de certains éléments de son Business Model. Parce que ce dernier découle de sa stratégie
et celle-ci s’est décidée au niveau du sommet hiérarchique. Donc, les personnes
qui décident des grandes orientations de l’entreprise à long terme.
Faisons d'abord une petite présentation de
cette compagnie en Haïti. En 2006 la compagnie Digicel fait son entrée dans le
domaine de la télécommunication en Haïti. A cette époque elle était la
bienvenue dans la mesure où elle mettait fin au règne de la compagnie « Voilà »
qui régnait en maitre et seigneur dans le royaume de la télécommunication en
Haïti, un marché jusque-là encore quasi-vierge. Détenait le monopole, et grâce
à l'aide des dirigeants de l'époque qui étaient incapables de protéger les
consommateurs, « Voilà » vendait son téléphone portable en dollars US
et prélève de l'argent sur un compte même pour un appel entrant. Avec l'arrivée
de Digicel, il était temps d'aller voir ailleurs. En plus Digicel offrait les
téléphones à un prix abordable par rapport à l'autre. A ce moment, beaucoup de
personnes en ont profité, pour moi, pour 2 raisons : pour avoir accès à
cet outil technologique déjà disponible considéré comme luxe et accessible dans
les pays occidentaux mais aussi pour communiquer plus rapidement car on en
avait besoin.
En effet, pendant les premiers temps jusqu’à
2010, ou peut-être moins, son Business Modèle mettait accent sur un marketing
plus ou moins standard : tout début, utiliser notre étude de marché pour surprendre
notre concurrent et gagner en part de marché en volume. Ensuite, elle changeait
les règles du jeu du secteur de la télécommunication en introduisant de nouveau
cycle d'innovation ce qu’on peut appeler l'innovation stratégique. Ainsi, avec
une technologie adaptée et un produit de qualité à meilleur prix. Je peux lui
placer dans le deuxième quart de l'horloge stratégique de Bowman, (qui propose
la stratégie concurrentielle que peut adopter une entreprise) qui est la
stratégie hybride ou la stratégie de prix évoluant vers la différenciation
Source
: d'après David Faulkner et Cliff Bowman.
Cependant, depuis l’acquisition de l'opérateur
de téléphone mobile « Voilà » par le groupe Digicel en mars 2012, et
malgré la présence de Natcom limitée par les politiques de télécommunication en
Haïti, la Digicel offre un service au rabais.
A rappeler dans un pays organisé, dirigé,
et avec des consommateurs avisés et un média responsable, Digicel devrait être en
poubelle. Parce qu'une entreprise qui endosse l'étiquette de voleur, corrupteur
et violation de vie privée de la part de ses clients (dans certains cas avec des
preuves vivantes), en tant que personne morale responsable de ses actes, les
charges retenues contre elle, devraient suffire pour lui faire disparaître du
radar d'Haïti.
Son
Business Model.
On ne peut pas détailler dans cet article les
éléments d’un Business Model, on peut juste le résumer comme l’articulation entre
trois éléments : la proposition de valeur, architecture de valeur et l'équation
de profit. Et ce, dans une perspective de création de valeur, une valeur perçue
par les consommateurs, ce qui donne un avantage par rapport aux concurrents sur
le marché.
En effet, depuis 2011 on constate une
dérive chez cet opérateur. On n'arrive pas à retrouver une personne même si son
portable est disponible, toujours et encore un problème de réseau. On se
souvient du problème pour les clients de la compagnie « Voilà » au
lendemain de l'acquisition de celle-ci. On se souvient du fameux « edem
peze » des téléphones portables de mauvaise qualité à des prix standards, ses
politiques d'SMS « 5 pour 20 » pour 5 gourdes on aura 20 sms, en
récupérant chaque minuit les sms restantes pour vous forcer à en faire d’autre.
Son internet est le pire qu'on peut offrir à un client compte tenu la capacité
technologique et potentielle du groupe. Elle envoie des messages très tard dans
la nuit sans consentement des clients et cherche toujours à adapter son
marketing aux mœurs (passivité) des consommateurs et non à leur besoin.
Ce qui nous ramène à dire que la Digicel
descend au plus bas niveau en termes de service, de produit offert et de
production de valeur et même au regard de service qu’elle donne en Guyane par
exemple. Et comme stratégie elle adopte celle de la non viable, (dernier quart
de l’horloge stratégique), caractérisée par une baisse de valeur et un prix standard
possible uniquement en situation de monopole. Elle risque de perdre une part de
marché si la concurrence existait et face à l’arrivée de potentiel concurrent.
Beaucoup de clients dénoncent (ainsi qu’à
travers les réseaux sociaux) la mauvaise qualité des services, des vols de
minutes (crédit), la coupure de certains avantages quand ils en ont le plus
besoin. La compagnie n’a rien fait pour se séparer avec cette stratégie qui
exploite les consommateurs, en bon créole « li pa pete nan koton bay yo santi ». Or
ignorer les attentes des clients et de les traiter de la sorte c’est équivalent
de ternir le nom de l’entreprise autrement dit sa notoriété et de perdre en
part de marché. Alors on se pose la question, pourquoi la Digicel s'en fout de
son nom et sa part de marché ? La réponse nous parait évidente : la
situation de monopole de la Digicel, due à l’incapacité de la Natcom à la
concurrencer; et l’intégration de l’entreprise dans la politique haïtienne par
l’investissement dans les campagnes électorales dans le pays, le cas de la
campagne présidentielles de Martelly en 2011 et de Jovenel en 2016.
La deuxième hypothèse englobe tout ce qui
se passe en ce moment. L’acquisition de « Voila » était le résultat
de l’accointance politique. Si on tient compte des conséquences néfastes de
cette acquisition pour les consommateurs. C’est à cause de son investissement
pour élire des présidents qu’on l’a aidé à réduire à néant la concurrence de
Natcom, si on se souvient que la CONATEL a ordonné à Natcom d’augmenter ses
tarifs. C’est parce que Digicel est convaincue que le pouvoir la soutienne dans
des pires circonstances malgré qu’elle adopte des stratégies préjudiciables aux
consommateurs haïtiens. Si elle est protégée par la justice à quoi bon de
respecter les consommateurs jusqu’à leurs donner de meilleur service, ou d’en
tenir comptes de leurs attentes ? Si elle est intouchable pourquoi devrait-elle
inquiéter de sa notoriété ou de sa part de marché ? pendant qu’elle reste
jusqu’à nos jours la référence dans le secteur de la télécommunication en
Haïti. Sauf elle devait retenir la leçon de Voilà.
Duffort Bernard
2e année Master, MAE /ECSG
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