Comprendre le patriotisme des haïtiens vivant à l’étranger !

Comprendre le patriotisme des haïtiens vivant à l’étranger !

par Marc Donald Jean Baptiste
Parce que je me suis trouvé actuellement en dehors du pays ; parce que je me suis dans une situation d’affirmation de mon patriotisme presque tous les jours, ce qui n’était pas forcément le cas en Haïti ; parce que je vois certains collègues traversent la même situation que moi à l’extérieur; parce que je vois généralement ceux qui vivent en Haïti ne comprennent ce sentiment qui traverse leur compatriotes de l’extérieur ; parce que je peux jouir d’un double chapeau de sujet/chercheur pour essayer de comprendre ce sentiment controversé qui traverse la majorité des haïtiens qui pour une raison certaine se trouve à l’étranger et qui dérange d’une autre manière,  celui qui ne l’a pas encore vécu et qui se trouve en Haïti. Je me suis bien parti pour tenter de répondre à cette question : qu’est ce qui explique généralement cette augmentation de la dose du patriotisme des haïtiens qui résident à l’étranger ?
Deux artistes haïtiens, Roger Eugene dit Shoubou et Emeline Michele ont particulièrement abordé ce phénomène dans leur chanson avec leur groupe respectif, sans vraiment donner d’explication. Dans « Lakay » qui est l’une des chansons à succès de Tabou Combo durant les années 90, Shoubou chante la joie d’un haïtien qui vivait en dehors d’Haïti et qui est content de retrouver sa terre « depi aeropò mwen santi m transfòme--- depuis à l’aéroport, je me sens transformer ». De manière plus explicite, dans « Ayiti cheri » qui est l’un des chefs d’œuvre de l’icône nationale Emeline Michelle, la chanteuse exprime la nostalgie de certains haïtiens qui vivent à l’étranger pour leur pays d’origine. Or, en Haïti étant cet amour n’existait pas vraiment. « Ayiti cheri, pi bèl peyi pase w nan pwen, fò mwen te kite w pou m te kab konprann valè w --- Haïti Chérie, y’a plus de beaux pays que toi, je devrais te laisser pour te valoriser » lit-on dans le refrain de cette musique.
Ces deux musiques qui expriment le sentiment de milliers d’haïtiens qui vivent à l’extérieur restent deux chefs d’œuvres dans le répertoire musical haïtien parce qu’elles ont traversé le temps. Leur exceptionnalité reste dans leur interprétation qui renvoie à cette partie polémique traduite par le cri de nostalgie de ceux qui sont en dehors du pays, qui voulaient retourner, et de ceux qui sont en Haïti qui croient que ces derniers se baignent dans une hypocrisie au point de les décourager à partir un jour. Quel paradoxe !
En effet, dès le début de l’émigration haïtienne, sous l’occupation américaine entre 1915 à 1934, elle a été toujours déterminée par l’Etat haïtien, de part ces choix économiques, politiques, sociaux dans la société qui sont préjudiciables pour la grande majorité de la population. Aujourd’hui encore, les jeunes partent pour le Chili, le Brésil, le Canada, parce que l’Etat n’a pas besoin d’eux. Ces émigrants pour la plupart sont des rejetés de leur propre société. Ils laissent le pays surtout par dégout. L’on se demande pourquoi quand ils arrivent à l’étranger le sentiment de patriotisme du pays, qui leur a « tout pris », surgit dans leur quotidien paradoxalement ? Voilà donc la question.  
Je crois que ce sentiment contradictoire développé chez ces derniers, est vital pour s’affirmer leur existence chez l’autre, de lutter pour la survie aux yeux de l’autre. Je me défends donc j’existe ! Cette une position de micro défense qui renvoie à une macro défense, donc me défendre c’est défendre des valeurs sociales, culturelles de ce pays qui m’a rejeté et après qui voulait profiter de mon statut comme diaspora pour faire leur beurre à travers des mesures contestées et contestables comme par exemple l’impôt forfaitaire de dix milles (10 000) exigé à tous les haïtiens vivant à l’extérieur du pays pour bénéficier un service public dans leur pays. Et l’autre élément à considérer renvoie à l’intégration dans la société d’accueil, qui ne sera jamais totale quel que soit l’effort déployé. Quand tu es à l’étranger, tu perds un peu dans ta naturalité, soit pour une question de langue, soit par les écarts réels et symboliques qui existent entre les expériences sociales culturelles de ton pays et le pays d’accueil (température, le symbolisme dans les associations, le symbolisme d’écouter ou de danser la musique haïtienne dans le contexte haïtien etc.). Un exemple simple pour bien comprendre cette question de perte du sens naturel quand on est à l’étranger, se trouve dans la manière de raconter une blague ! Il y’a de ces blagues que les étrangers racontent, tout le monde se met à rire sauf toi qui questionne le sens de la blague, et probablement tu vas rire par hypocrisie, et se demande au fond : de quoi je me ris ? l’inverse est aussi vrai quand tu es avec tes compatriotes dans ton bain culturel et symbolique ! Donc, tu y arrivais à être naturel, seulement dans ta langue natale, indépendamment du niveau de maîtrise de la langue de l’autre.
Evidemment c’est comme étranger au pays de l’autre et dans une ambiance caractérisée par les manquements réels et symboliques, qu’on commence à découvrir et voir l’importance des spécifiés (culinaires, artistiques, musicales, linguistique…) de notre pays. Continuellement on aura à répondre cette question que l’on veut ou non : qu’est-ce qu’il y a de bons dans ton pays ? Puisque ta présence dans le pays de l’autre crée une curiosité aigue. Et du même coup le défendre quand il est pris dans le sens négatif parce que chacun qui vit à l’extérieur devient un ambassadeur volontaire, où dans toi l’autre voit ton pays. C’est un jeu où la manière de défendre ton pays revêt à soigner ton image, garantir ton existence parmi l’autre. Le fait de pratiquer cet exercice quotidien, déclenche un processus d’intériorisation d’un sentiment patriotisme sans même le vouloir. Et ce sentiment de patriotisme comme l’a déjà chanté notre Emmeline nationale « Ayiti cheri fòk mwen ta kite w pou m ta apresye w, pou ta wè tout sa w reprezante pou mwen--- Haiti Cherie il fallait que je te laisse pour t’apprecier, pour voir tout ce que tu me représentais ». Et enfin pour prêter ce slogan très en vue à une époque « lè w ale viv nan yon peyi etranje wa konprann».

 Marc Donald Jean Baptiste
 Je suis en Haiti chaque soir dans les rêves, dès fois je marche dans les rues, dans les super marchés, j'entends des personnes qui parlent ma langue dans leur langue. Après je me suis rendu compte de ce que j'ai entendu, reste une folie de mon cerveau de complicité avec mes oreilles, mais pas dans la conversation des gens. 
Helas!
Haiti, Pays singulier ! je commence à avoir une idée!


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