La fuite de la jeunesse mal-aisée et mal-aimée d’Haïti


La fuite de la jeunesse mal-aisée et mal-aimée d’Haïti

par Joseph Charles
Voyager dans un autre pays ; pratiquer l’internationalisme ; vivre au cœur du multiculturalisme ; se réaliser dans la dynamique de l’inter-culturalité, c’est une très bonne chose.  Par contre, fuir son pays, parce que la faim fait violence et menace l’avenir…qu’est-ce à dire ?
J’étais à l'aéroport international Toussaint Louverture. C’était le 17 août dernier.  J'ai vu de grandes foules de jeunes,  par-ci par-là, se retrancher dans les recoins de l’aéroport.  Soudain, il m’est venu à l’idée qu’un très grand nombre de jeunes sont en train de fuir le pays ! Ils étaient, pour la plupart, gênés et empêtrés ; on dirait qu’ils avaient honte de se trouver dans ces situations. J'ai causé avec certains d'entre' eux. Ils n’ont pas caché leurs frustrations et leurs désillusions. Certains m’ont carrément confié que Haïti n’est pas un pays et que nos dirigeants politiques sont des rapaces sans conscience et sans vergogne. 
D’autres de renchérir que les hommes politiques de la fonction publique empochent toute l'économie du pays pour leur bien-être personnel et au profit de leurs clans et de quelques alliés politiques. Suite aux diverses réactions recueillies de manière soudaine et spontanée, j’ai pris le soin de leur demander : quel genre de vie meniez-vous ? Sans trop réfléchir, un jeune qui m’a semblé une sorte de leader de groupe, leva la voix en ces termes : « nous vivons comme des bêtes ; une vie pratiquement  égale à celle des bêtes. Les dirigeants nous traitent comme des bêtes. D'autres encore se sont considérés comme des bêtes réelles, à la seule différence, eux, ils ont la parole; donc ils ne sont que des bêtes qui parlent et malgré tout ils n'ont pas la voix. De ce fait, ils dénonçaient un traitement déshumanisant infligé à la jeunesse de la classe pauvre et paysanne par les responsables politiques du pays.
Puis je me suis adressé à quelques-uns leur demandant leurs noms, ils m'ont répondu: souffrance, misère, humiliation, rejet, abandon, discrimination, chose, marchandise...
À partir de ce dialogue, je réalise que la fuite de cette entité misérable de la jeunesse haïtienne n'est pas uniquement le résultat des fonds dilapidés, c'est également les conséquences de nos inconséquences comme citoyens, pour la majorité, sous-informés, mal-formés, sous-développés, mal-développés, mal-éduqués et sous-instruits.
C'est aussi le dysfonctionnement du système politique et socio-économique d'Haïti. Car nous vivons au sein d'un système fonctionnant en mode aléatoire. En plus, il y a trop de jaloux, trop d'aigris, trop de complexes, trop de guerres fratricides, trop de trahison, trop de carence en termes de convictions citoyennes et politiques, trop de pré-juments et trop de condamnation à crédit, trop d'accusations hasardeuses, trop de malveillance, trop de haine entre nous, citoyens du même pays. J’en souffre et je m'en accuse. S'il y a une seule victime de notre système, sachez que nous sommes tous responsables et donc condamnés.
Notez bien: ce ne sont pas tous les dirigeants du pays qui dilapident les fonds du trésor public. Il existe d'honnêtes citoyens. Par contre, ces gens-de-bien sont tellement peu nombreux et demeurent tellement dans l’anonymat qu'on serait porté aisément à croire que tous les " chefs" en Haïti sont des méchants qui n’aiment pas leur pays, qui " assassinent" les populations en dilapidant presque toutes les ressources et les richesses du pays.
Je crois qu'il nous faut raisonner un peu, retrouver notre bons sens, pratiquer l'impartialité afin d’agir avec efficacité pour une meilleure Haïti.

Joseph Charles
Ouanaminthe,  août 2017


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