Kita Nago, 4 ans après : Un symbole à effet de paille

Kita Nago, 4 ans après : Un symbole à effet de paille

Par: Peterson Monestime

« Gadon bwa », « gadon gwosè yon bwa », « bwa a bèl » : ce sont des différents slogans, pour le moins à caractère grivois, chantés par une foule en liesse au ton des déhanchements répétés, portant un tronc d’arbre (acajou) dénommé « Bwa Kita Nago » (pesant 500 kilos), sortant de la commune des Irois (Grand’Anse) pour arriver à Ouanaminthe (Nord’Est) sur une distance environ de 700km (soit 45 communes et 7 départements) durant une période d’1 mois (1er Janvier 2013 au 27 janvier 2013). Dès le coup d’envoi dans la ville des Irois, les initiateurs ont prévu que chaque ville devrait recevoir « Kita Nago » et le conduit à une autre ville pour continuer la route jusqu’à la destination finale. Cependant, Il y en a ceux qui ont traversé plusieurs villes et même plusieurs départements pour accompagner « Kita Nago » pour arriver jusque dans le Nord’Est.
Cette initiative était l’œuvre d’Harry Nicolas connu sur le nom de « Mèt fèy vèt » en début 2013. L’objectif était de montrer la solidarité du peuple haïtien, sa bonne volonté, son courage, sa détermination de relever après de lourdes épreuves. « Kita Nago » symbolisait notre culture, notre identité selon Mèt fèy vèt, en un mot l’initiative voulait tracer une nouvelle voie pour un pays détruit après le séisme du 12 janvier 2010, et du même coup pour prouver le monde entier que le peuple haïtien pouvait encore faire de grandes choses moyennant que nous acceptions de conjuguer notre volonté commune reconnue à travers cette devise populaire : L’Union fait la force. Le projet « Kita Nago » disait Harry Nicolas : est juste l’expression emblématique et évocatrice d’un besoin réel d’une solidarité effective entre les citoyens d’Haïti, ruinés par le séisme dévastateur du 12 janvier 2010. »  « Kita Nago » est même rentré dans le langage commun des jeunes, dans la publicité et dans la musique populaire. « Cela démontre qu’il est bel et bien présent dans l’esprit des haïtiens » soutient Nicolas en 2013. Mais aujourd’hui que représente « Kita Nago » déposé dans la Maison des Jeunes à Ouanaminthe ? autrement dit, ce que devient ce bout de bois 4 ans après ?
En rendant une visite à la maison des Jeunes à Ouanaminthe par curiosité, pour constater le destin de ce qui était l’un des plus gros mouvements de solidarité populaire haïtienne pendant ces 5 dernières années, nous n’avons pas pu trouver des informations solides nécessaires le concernant. Nous avons eu une conversation avec un responsable rencontré dans cet espace culturel, en voulant garder l’anonymat, ce dernier nous a dit que : « Kita Nago » est fermé dans une chambre sous le contrôle de la Mairie de Ouanaminthe qui a les clefs. En lui demandant si la Mairie a déjà exposé « Kita Nago » pour récolter des fonds ? il nous a encore répondu ceci : « plusieurs étrangers sont déjà venus voir « Kita Nago » et c’était gratuitement ».  Aujourd’hui, personne n’en parle et ce morceau de bois est devenu vide et insignifiant. On dirait que le symbole ne nous traverse pas. C’est comme après la grande bataille de l’indépendance ; nous avons tracé le chemin de la liberté en nous libérant du joug de l’esclavage de la plus puissante métropole à l’époque et aujourd’hui, nous ne faisons que répéter ça. Cette bataille de l’indépendance ne nous sert presqu’à rien, sinon que dégout et mépris à l’égard du peuple haïtien et aux yeux du monde entier. Nous sommes mal vus à travers le monde comme peuple et aujourd’hui nombreux sont des compatriotes qui sont devenus une colonie d’oiseaux qui recherchent le mieux-être partout dans le monde.
En effet, ce morceau de bois symboliquement qui a traduit notre solidarité de peuple, et un nouveau départ après le 12 janvier 2010, n’est pas justifiée dans notre manière de vivre. Les dirigeants de notre cher Haïti n’ont pas copié ce modèle de courage pour mener le pays au bon port. Le « Kita Nago », comme beaucoup d’autre initiative dans le temps, n’a pas laissé d’héritage réel, sinon que son utilisation à caractère sexuel dévergondé dans l’imaginaire collectif, et nous sommes devenus un peuple amnésique qui fonctionne seulement au présent.
Triste est de constater que « Kita Nago », 4 ans après ne dépasse pas cette folie d’un jeune haïtien dénommé Mèt Fèy Vèt, qui réalisait un rêve d’enfant comme lui-même a déclaré à la presse au moment de l’évènement « c’était mon rêve depuis tout petit de traverser tout Haïti à pied avec un morceau de bois dans une solidarité commune ». Et que cette réappropriation tant souhaitée par les initiateurs pour faire un nouveau départ pour Haïti reste emprisonner dans cette petite chambre où est actuellement déposé « Kita Nago » . Si le bois a raté le train national, l’on se demande pourquoi au moins la Marie de Ouanaminthe ne profite pas cette occasion offerte par « Kita Nago » pour développer le tourisme à l’autre bout de la frontière ? Ainsi des étrangers pourraient venir visiter la ville seulement pour voir le bois et connaitre son histoire symbolique parcouru à travers les 700 km. Mais Hélas, nos dirigeants ne le feront pas parce que l’intérêt collectif c’est leur pire ennemi de combat. Un jour, peut être que le bois prendra la parole pour dire que son transport était en vain.

Peterson Monestime
Juriste

pmonestime55@gmail.com

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