Le paradoxe RoodBoy : engagement ou marchandisation de la cause populaire ?


Le paradoxe RoodBoy : engagement ou marchandisation de la cause populaire ?
par Carl-Edwice ESTIMA
Roody RoodBoy est un immense artiste, j’en suis fan d’ailleurs, il a toujours su trouver la mélodie et les mots justes pour signer des titres hors du commun que n’importe quel mélomane, peu importe son niveau de moralité, peut tomber sous les charmes. Mais, depuis qu’il s’est lancé en solo dans le carnaval, il y a quelque chose qui m’a intrigué chez lui et que je cherchais à comprendre, peut être que sa meringue de cette année 2019, m’a éclairé un peu. Je me demandais, depuis lors, est ce qu’il s’engage à utiliser le carnaval comme canal pour dénoncer la misère de la masse populaire, dont il est issu, ou utilise-t-il leur misère comme fond de commerce ? Car il sait pertinemment qu’une telle orientation lui permettra d’avoir la sympathie de cette masse et, par conséquent, un maximum d’écoute, ainsi il fera le hit, et en retour il pourra collecter le maximum de sponsors. Ce qui serait un manque de respect total à l’égard de cette catégorie qui lui a tellement supporté et, en partie, grâce à laquelle il peut se targuer d’être double champion en titre du carnaval national. Et je le considérerais comme étant un artiste naïf et sans état d’âme.
La meringue de cette année me laisse croire que la réponse à ma deuxième interrogation est affirmative. Comment peut-il dénoncer un parlement atteint par la gangrène de la corruption pendant qu’il loue des parlementaires (parmi les plus corrompus) pour leur sponsoring (bien obligé) ? Comment peut-il dénoncer la dilapidation des fonds petrocaribe pendant qu’il remercie certains des dilapideurs ?
De plus, c’est bien qu’il a voulu faire comprendre qu’il faut respecter les biens d’autrui au moment des manifestations, mais la façon dont il l’a fait est mal venu. En disant : « Se toujou neg ki pa gen machin kap boule machin moun nan lari a, se toujou neg ki pa gen biznis kap boule biznis moun nan lari a », il laisse comprendre qu’il s’agit plus des actes d’aigreur (animosité) que de contestation. Pour couronner le tout, il accuse le peuple, qualifié de sauvage, comme étant le principal responsable de l’état critique du pays, mais pas ses patrons (parlementaires et entreprises indexées dans les rapports sur le fonds petrocaribe) qui volent tout ce qui revient à ce peuple sauvage, comme il l’entend.
L’artiste est d’une telle naïveté qu’il ne peut pas réaliser que si ces gens- là (ces patrons) faisaient leur travail, ne cautionnaient pas et ne participaient pas à la dilapidation des fonds petrocaribe, sa mère ne serait pas peut être morte pour une caution de 5 000 gourdes. Et que le peuple n’aurait pas besoin de faire parler sa sauvagerie pour exprimer son ras-le-bol.
Au regard de ces éléments et de bien d’autres que je pourrais mettre en exergue pour montrer que l’artiste n’assume pas les paroles qu’il chante dans cette meringue, n’est-il pas aussi « san konsyans » que ceux dont il accuse à ce titre ? Une chose est sure il n y’a pas de bon-méchant, ni de blanc-noir; soit on est bon, soit on est méchant ; soit on est blanc, soit on est noir.
En tout cas, J’observe et j’attends la réaction sauvage de ce peuple vis à vis de cette meringue, à travers laquelle l’artiste expose pleinement sa naïveté et sa cupidité. J’attends les prochaines heures pour voir si le peuple aura le culot de chanter et danser sa sauvagerie dénoncée et de supporter Roody dans son commerce irrespectueux envers eux ou est-ce qu’il aura le courage de faire ni l’un ni l’autre.

Carl-Edwice ESTIMA

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